Pourquoi le nombre de malades entre les données de Santé Publique France et celles des hôpitaux est si différent. Notre décryptage (Nicematin.com)

Pourquoi le nombre de malades entre les données de Santé Publique France et celles des hôpitaux est si différent. Notre décryptage (Nicematin.com)

Bravo Nice matin de denoncer la supercherie.

Lorsqu’un patient est hospitalise pour un autre motif que le virus et s’il est ensuite teste positif

il rejoint le “pool des personnes hospitalisees pour Covid” Photo François Vignola

Mic mac autour des chiffres de la Covid-19 dans les Alpes-Maritimes… Alors que tous les regards sont braques sur le nombre de lits disponibles pour accueillir des malades souffrant de formes graves de Covid, on decouvre d’importantes divergences dans les chiffres.

Il ne s’agit pas de minimiser l’ampleur de l’epidemie ni sa gravite, alors que le virus continue de circuler activement sur le territoire. Mais de faire etat de la realite de la situation, aussi objectivement possible. Or la situation dans les Alpes-Maritimes, selon qu’elle s’appuie sur les donnees de Sante publique France, ou sur celles fournies au quotidien par les acteurs de terrain, prend des visages differents.

Nous avons fait cette decouverte apres avoir reçu des courriers de medecins hospitaliers s’etonnant des discordances entre les informations diffusees par Nice-Matin au sujet des hospitalisations pour Covid (issues de Sante publique France) et les observations de terrain.

Or, le nombre d’hospitalisations pour Covid-19 fait partie des indicateurs suivis avec la plus grande attention. Il rend compte du niveau d’occupation des lits dedies a l’accueil des malades souffrant de formes graves de la Covid-19.

Chaque jour, des personnels du CHU de Nice, etablissement support des Alpes-Maritimes, interrogent ainsi tous les etablissements accueillant des malades de la Covid-19, et recensent le nombre de lits occupes pour ce motif.

Des informations precieuses, relayees a tous les professionnels hospitaliers ainsi qu’a l’ARS, et qui participent en premier lieu aux choix politiques: couvre-feu, confinement…

Rappelons en effet que toutes les mesures prises ont pour objectif d’eviter une saturation des lits d’hopitaux.

**De grosses diff erences pendant des semaines cruciales **

Nous avons pu nous procurer ces tableaux et les courbes d’evolution depuis debut octobre, lorsque l’epidemie est repartie a la hausse apres la treve estivale. Et nous avons compare les donnees y figurant a celles publiees par Sante publique France, etablissement sous la tutelle du ministere de la sante. Donnees relayees par Nice-Matin, et l’ensemble des medias.

Et la, nous avons constate des differences majeures concernant les lits occupes mais aussi l’evolution de la courbe des hospitalisations pendant plusieurs semaines cruciales.

À titre d’exemple, le 3 janvier dernier, Sante publique France comptabilisait 564 personnes hospitalisees avec un diagnostic Covid-19 dans le departement des Alpes-Maritimes (dont 69 en reanimation), quand dans la realite “seulement” 233 patients au total (dont 55 en service de reanimation) etaient ce jour-la hospitalises dans l’un ou l’autre des etablissements (prives ou publics). Comment comprendre cette difference d’un facteur 2.5 entre ces deux sources?

Phenomene plus preoccupant, on observe de vraies divergences dans l’evolution des courbes, pendant des periodes determinantes. Ainsi, alors que celles traduisant la progression des hospitalisations pour formes graves dans les Alpes-Maritimes, produites par les acteurs de terrain, font etat d’une relative stabilite, voire d’une decroissance, a compter du 10 novembre et pendant plusieurs semaines, la courbe publiee par Sante publique France decrit une croissance constante de ces hospitalisations.

Depuis la levee du confinement, et les instaurations successives du couvre-feu a 20 h puis 18 h, les deux courbes sont quasi paralleles, en progression.

**Des patients en soins de suite qui continuent d ‘etre comptabilises **

Repondre a ces questions posees par ces donnees nous a valu une plongee dans un univers totalement kafkaien, a l’issue duquel nous ne pouvons emettre que des hypotheses, chaque acteur n’ayant pu nous fournir d’explications exhaustives.

Le chiffre des hospitalisations provenant des hopitaux eux-memes inclut les patients en soins critiques, en lits de medecine mais ne tient pas compte a juste titre de ceux qui ont eu le Covid par le passe, et qui sont toujours hospitalises en soins de suite et readaptation (SSR), pour une prise en charge des sequelles de leur maladie.

Des patients qui ne sont plus contagieux pour la grande majorite d’entre eux.

" _Au bout de 14 jours, ces patients devraient etre sortis des bases, nous indique un specialiste en sante publique . Dans la r ealite, il est frequent qu’ils ne le soient pas tant qu’ils restent presents dans les unites de SSR. _ De façon plus generale, les malades de la Covid-19 qui quittent l’hopital apres un sejour en reanimation ou dans un autre service ne sont pas toujours sortis des bases. Comme Sante publique France fait des extractions de ces donnees, elles sont mathematiquement superieures a la realite."

**Pas de distinguo avec les patients PCR+ hospitalis es pour d’autres motifs **

Lorsqu’un patient est hospitalise pour un motif quelconque (insuffisance cardiaque, decompensation diabetique…), dans l’un ou l’autre des services des hopitaux ou cliniques, et qu’il est teste positif pendant son sejour, il rejoint le " pool des personnes hospitalis ees pour Covid" dans la base de donnees, meme s’il ne presente aucun symptome.

Lorsque des patients arrivent dans les services d’urgences avec une suspicion de Covid, ils sont aussitot rentres dans la base SI-VIC. Si le diagnostic n’est pas confirme, ils doivent ensuite etre retires de la base, ce qui n’est la encore pas systematiquement fait.

Le systeme de recueil de donnees inclut les patients positifs residents en EHPAD, dans des maisons d’accueil specialise (MAS) et foyers d’accueil medicalise (FAM), meme si leur etat n’a pas justifie une hospitalisation dans l’un ou l’autre des secteurs dedies.

Plus on teste, plus on trouve de positifs

Au-dela des differences dans le nombre total de patients hospitalises pour Covid, comment expliquer les divergences dans les trajectoires des courbes entre le 10 novembre et le 15 decembre ? Intrigues, aucun des specialistes contactes n’a su pour autant nous repondre.

La reponse s’explique peut-etre en partie par le nombre de tests realises. Les Alpes-Maritimes figurent parmi les departements qui testent le plus en France. Or, plus on teste, plus on trouve de positifs. Des personnes testees positives alors qu’elles sont hospitalisees ou qu’elles resident dans des etablissements sanitaires et sociaux, Ehpad en priorite (qui ont fait face pendant cette periode a de nombreux clusters), rejoignent la case des personnes “hospitalisees avec diagnostic Covid-19” sur le site de Sante publique France.

On s’aperçoit, en suivant la courbe issue des donnees des hopitaux, que l’accroissement du nombre de positifs ne s’est pas traduit par une augmentation des hospitalisations dans des structures de soins, et n’a donc pas constitue une menace pour le systeme de sante.

**La probl ematique est certainement nationale **

Si a l’issue de cette enquete de nombreuses questions restent posees, il reste que cette bataille des chiffres a matiere a inquieter de l’avis meme des acteurs en premiere ligne dans cette crise: " _C ‘est un biais terrible, alors que toute la communication est en effet basee sur les chiffres de Sante Publique France. Et la problematique est certainement national_e, nous confie l’un d’entre eux sous couvert d’anonymat (chacun partage la meme crainte d’etre accuse de nourrir la theorie du complot). __

En pleine d ecroissance des hospitalisations, les journaux titraient: l’epidemie repart! Et lorsque le couvre-feu a 18 heures a ete instaure, on a aussi dit: ça explose a Nice! La realite, c’est que ça n’evoluait pas plus qu’ailleurs."

Developpee dans des conditions d’urgence suite aux attentats de novembre 2015, la plateforme web SI-VIC (SI VICtimes) a permis aux agences sanitaires de disposer rapidement d’une base de donnees partagee et securisee adaptee aux evenements generant de nombreux blesses (attentat, prise d’otage, accident sur la voie publique, etc.). Cette plateforme proposait ainsi un systeme de recensement des admissions aux urgences avec recherche de doublons et possibilites de transferts d’un service a un autre.

Aujourd’hui, elle est utilisee par les etablissements de sante dans le cadre de l’epidemie de COVID-19 pour permettre le denombrement des patients COVID-19 hospitalises.

Source : Nicematin.com via Contributeur anonyme

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