ALONZO : LE PETIT PROTÉGÉ DE SA BANDE DEVENU CAPO DE MARSEILLE

ALONZO : LE PETIT PROTÉGÉ DE SA BANDE DEVENU CAPO DE MARSEILLE



À 42 ans, Kassim Djae, dit Alonzo, fait figure de monument du rap de la cité phocéenne. Aujourd’hui surnommé Capo dei Capi, chef de tous les chefs, il a fait ses armes en tant que benjamin chouchouté des Psy 4 de la rime, le groupe mythique emmené par son cousin Soprano. Retour sur une carrière en forme de métamorphose qui l’a vu batailler pour forger sa propre voie. Le benjamin des Psy4 Le jeune Kassim n’a que 12 ans au début de l’aventure des Psy4 – à l’origine nommés KDB – en 1995. Comme ses cousins Iliassa (Vincenzo) et Saïd (Soprano), il est issu de la diaspora comorienne, fortement implantée dans les quartiers nord de Marseille. Alonzo se démarque comme la tête brûlée de la bande : ses cousins, plus âgés, sont issus de familles strictes et pieuses qui les contraignent à cacher leurs ambitions musicales. Lui est un peu plus libre et se permet d’enchaîner les “bêtises” tout en écrivant ses premiers textes. De ses propres dires, c’est la discipline de groupe qui le sauve de la rue et le pousse à se canaliser. Il en aura bien besoin : devenu une célébrité locale sans pour autant vivre du rap, il donne naissance à une fille dès l’âge de 17 ans. En parallèle de ses galères d’adulte précoce, Alonzo trouve un véritable refuge au sein de son groupe. D’abord, parce qu’il en est le benjamin et que ses cousins, à l’entendre, le cadrent. Ensuite, parce que le rôle de leader est partagé entre un Soprano qui s’est vite démarqué par sa capacité à chanter, rare avant l’arrivée de l’autotune, et le quatrième membre du groupe, le DJ Sya Styles. Ce dernier est l’aîné de la bande, à la fois producteur et de facto manager, adoré de tous. Au sein de ce quatuor, le rôle d’Alonzo est simple : rapper avec les tripes, représenter la rue. De gauche à droite : Alonzo, Sya Styles, Vincenzo, Soprano (© Olivier Corsan) Bien vite, le succès de Soprano le pousse à entamer une carrière solo en parallèle du groupe. Son premier album sorti en 2007 est certifié disque d’or. Alors deux ans plus tard, après la sortie du 3e album des Psy4, Alonzo tente de l’imiter avec une mixtape. Mais contrairement à son cousin, le futur capo ne s’est pas encore mué en businessman. Accaparé par la création musicale, il néglige sa communication et le choix de ses singles. Un faux départ, pour celui que le public s’obstine à appeler “Alonzo des Psy4”. Deux albums solo plus tard, en 2013, le constat est le même : sa carrière individuelle ne passionne pas les foules et il reste prisonnier de son statut de benjamin du groupe. C’est le début d’une période sombre partagée entre l’alcool, le shit et les jeux d’argent, qui le voit passer plus de temps dehors que chez lui. Capo dei capi C’est pendant la création du 4e album des Psy4 qu’il trouve la clé du succès, en la personne du producteur parisien Spike Miller venu à Marseille pour travailler sur un morceau. D’origine comorienne lui aussi, ce dernier tombe amoureux de la cité phocéenne. Au point d’y poser définitivement ses valises et de sympathiser avec Alonzo, à qui il commence à donner des conseils. Pour lui, Alonz’ se perd à essayer de reproduire seul la formule de son groupe, en oubliant le rôle délimité qui a fait son succès – le rap, pur et simple. Devenu son réalisateur attitré, il pousse son nouveau binôme à simplifier sa proposition et à en durcir le ton, à la fois pour se démarquer des Psy4 et pour coller à sa vie de l’époque. Résultat : en 2014, Alonzo prend au vol l’essor de la trap made in france, froide et agressive, et enchaîne 4 morceaux réunis en un EP nommé La belle vie. Avec ses clips en noir et blanc tournés dans les quartiers nord, il a désormais davantage l’allure d’un Kaaris marseillais que du petit protégé des Psy4. Il enchaîne l’année suivante avec son premier album à succès, le bien nommé Règlement de comptes, qui finira disque d’or. La même année, le groupe se sépare après le décès de Sya des suites d’un cancer. Depuis 10 ans, le capo et Spike Miller ne se sont jamais quittés. Le duo se met constamment à la page, mariant l’écriture expérimentée de l’un et l’oreille aiguisée de l’autre, toujours au fait des tendances. De la trap à l’afrotrap en passant par la drill, Alonzo n’a jamais paru ringard et a su jouer de sa réputation d’ancien en multipliant les apparitions aux côtés des nouvelles têtes locales – qu’il s’agisse de Jul, SCH ou Soso Maness, tous lui vouent une admiration sans faille. Il n’a pas usurpé son titre de Capo : auteur d’une des carrières les plus longues et constantes du rap Français, il compte aujourd’hui 5 projets solo certifiés (dont 3 disques de platine) et fait figure de hitmaker d’expérience avec 5 singles de diamant. En réalité, le capo n’a peut-être jamais été aussi en forme, au point de dominer l’année 2024 en signant un couplet du tube Petit génie de Jungeli : la quarantaine passée, il a contribué à battre le record de longévité d’un titre au sommet du Top Singles. Surtout, contrairement à son cousin devenu pop star nationale, il réussit l’exploit d’enchaîner les hits populaires tout en restant identifié comme un rappeur pur et dur. Il y tient. Au grand dam de sa mère, qui n’est pas friande de la vulgarité du rap street de son fils et s’épuise à lui répéter qu’il devrait “faire comme Soprano”. Alonzo s’en amuse, elle ne lui en tient pas vraiment rigueur. Il la sait fière de son statut de père de famille, de cette stabilité nouvelle qui n’avait rien d’une évidence. Jules Roland

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